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CAN 2019 : l’Algérie se qualifie face à la Côte d’Ivoire

Les Fennecs ont battu les Eléphants aux tirs au but (4-3) et filent en demi-finale face au Nigeria.


Les « z’hommes » ont vaincu. L’Algérie a battu, jeudi 11 juillet, la Côte d’Ivoire dans un match tendu et équilibré. Les Fennecs filent ainsi en demi-finale de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), où ils affronteront le Nigeria, dimanche 14 juillet, au Stade international du Caire à 21 heures.

Les Guerriers du désert ont légèrement dominé ce quart en s’offrant de nombreuses occasions. Ils ont ouvert le score à la 20par Sofiane Feghouli. L’Algérie a poussé jusqu’à provoquer un penalty juste après la pause. Mais Baghdad Bounedjah, l’attaquant algérien, a manqué la cible : le cuir a fini par s’envoler dans le majestueux ciel bleu de Suez après avoir caressé la barre transversale. Regrets éternels ? Eh non…


Les Ivoiriens n’ont pourtant rien lâché et sont revenus au score à la 62e par Jonathan Kodjia. Au Stade de Suez, un peu moins vide que d’habitude (près de 3 000 supporteurs pour 27 000 places), les deux sélections n’ont pas réussi à se départager. Jusqu’au bout du match, et des prolongations. Il a fallu attendre la cruelle séance des tirs au but (4-3) pour décider du vainqueur. Raïs M’Bolhi, le gardien des Fennecs depuis une décennie, a sauvé son équipe et permet à l’Algérie de continuer sa route vers la victoire finale. Ce qu’espère tout un peuple…

« On va gagner », tonne-t-on dans les travées de l’arène. Le temps d’une journée, les Algériens ont nationalisé Suez. Sous une chaleur écrasante, un peu plus d’un millier de supporteurs a pris l’avion d’Alger et a fait flotter le drapeau vert et rouge près du Canal. On n’a entendu que leurs chants (des « One, two, three, viva l’Algérie » à foison), étouffant les tambours des Ivoiriens. Même les Egyptiens ont soutenu les Algériens, alors qu’habituellement, ils ne s’entendent pas trop.

« C’était un devoir national d’être là »

Impossible pour les Algériens de rater ce quart de finale. Le ministère de la jeunesse et des sports, celui du tourisme et l’agence de voyage étatique (Touring club TVA) ont organisé le déplacement jusqu’en Egypte, facilitant le transport et le visa. Il a fallu juste débourser 35 000 dinars, soit deux fois le smic, et l’équivalent de 160 euros (au marché noir). « C’était un devoir national d’être là », lance Djedid, 23 ans, étudiant. « Nous n’allions pas laisser notre équipe nationale toute seule », ajoute Karim, 30 ans, comédien. « Je n’ai même pas réfléchi, je suis venu à Suez, c’est naturel », enchaîne, Adel, 30 ans. « La grinta des supporteurs algériens dynamite la volonté des Fennecs : quand ils entendent les cris des fans loin du pays, tu as la chair de poule, ça les transporte », ajoute ce fonctionnaire.

Pendant plus de deux heures, ces centaines de fans venus d’Alger ou d’Oran ont donné de la voix. Le Stade de Suez n’avait plus rien d’égyptien : les Fennecs ont presque joué à la maison. « Ces joueurs fournissent un beau football, ils méritent qu’on les encourage », précise Djedid. Qui pourrait le contredire ?


Le jeu développé par les Fennecs depuis le début de la CAN enthousiasme des millions d’Algériens. Depuis le Mondial 2014, la sélection nationale n’avait plus offert un football technique et séduisant. « Pour moi, c’est du niveau mondial », affirme sans hésiter Adel. « Moi je dirais que ça fait vingt-neuf ans que je n’avais pas vu une équipe algérienne aussi forte, depuis 1990, l’année où on a gagné la CAN : elle a de la technique et surtout du cœur », estime pour sa part Hakim, un employé de 27 ans. Et pour cette jeune fille, maillot sur le dos, panama sur la tête : « On est aussi venu venger nos frères marocains et égyptiens qui ont été éliminés, on représente les Arabes », sourit Aïda, 24 ans. Tous encensent Djamel Belmadi, le sélectionneur, qui a su redonner une âme aux Verts.

Lorsqu’on demande à ces supporteurs pourquoi ils sont venus en Egypte pour encourager leur équipe nationale, ils ne comprennent visiblement pas la question. « Parce que nous sommes des Algériens », lance l’un d’eux. « C’est le drapeau, c’est comme ça », souligne Aïda.

Supporteur condamné

Il y a un lien spécial entre les Fennecs et les supporteurs, quelque chose d’irrationnel qui les porte. Les fans algériens sont amoureux de leur équipe nationale. « Oui c’est de l’amour, c’est l’amour du pays », insiste Adel. « C’est comme ma mère, assure Difallah, 33 ans, on a le pays dans le cœur, on ferait tout pour lui. » « Là où vous trouvez des drapeaux, vous trouverez des Algériens, ils sont même dans des matches où le pays ne joue pas », sourit Karim.

Ils ont aussi une pensée pour ce supporteur expulsé puis condamné, il y a deux jours, à Alger, à un an de prison pour avoir brandi une pancarte au Caire sur laquelle on pouvait lire « Yetnahaw Ga3 »(« qu’ils dégagent tous »). Il a été accusé d’avoir porté atteinte à l’unité nationale. Ce message est un des slogans forts que l’on entend chaque vendredi en Algérie, lors des immenses marches contre le pouvoir en place. « C’est malheureux, il a juste dit la vérité, celle de mettre dehors la mafia », souffle Adel.


Le hirak, le « mouvement » qui secoue l’Algérie depuis le 22 février, voyage aussi avec les supporteurs. Durant le match, des supporteurs ont timidement fredonné La Casa del Mouroudia. Ecrit en 2018 par Ouled El-Bahdja, le groupe des ultras de l’Union sportive de la médina d’Alger (USMA), le titre évoque la résidence du chef de l’Etat, située sur les hauteurs d’Alger, tout en se référant à la série au succès planétaire La Casa de papel. Cette chanson est un réquisitoire contre l’ancien président Bouteflika, qui a démissionné le 2 avril. Elle raconte avec lyrisme et désespoir les vingt ans calamiteux de son règne en faisant défiler les quatre mandats tout en anticipant le cinquième.

Même si certains veulent oublier le hirak le temps de la CAN, d’autres ne peuvent s’empêcher de dissocier les deux événements.« La révolution a boosté l’équipe nationale, assure même Djedid, l’étudiant. Surtout les joueurs locaux qui connaissent les douleurs profondes qui touchent les Algériens. » « L’Algérie connaît actuellement deux fêtes : celle de la révolution, et celle du football », assure Karim, le comédien.

Les supporteurs ont promis de rester au Caire jusqu’à dimanche et de continuer à encourager, comme ils disent, leurs « z’hommes ».



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